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lundi 19 décembre 2011

Merci pour la neige, Seigneur!

Merci pour la neige, Seigneur!
Merci de donner un manteau de candeur à cette terre grise
D'immobiliser sous ta calme couveuse
Tout ce qui remue, qui croît et se débat 

Merci d'étouffer ces grincements que nous seuls pouvions inventer
Croyant qu'ils avaient de l'importance
Et de rendre à tout ce bouge et rampe sur ton sol
La vitesse qu'il ne devrait jamais dépasser

Merci pour la neige, Seigneur!
Donne-nous en encore, chaque année jusqu'à la fin des temps
Afin que l'hiver reste l'hiver, l'été l'été
Et que l'humain se rappelle par sa joie simple

Que lui aussi, un jour, a été innocent.

18.12.2011

mercredi 20 décembre 2006

St Nicolas Velimirovitch : L'amour, prière la plus durable


L'amour me fait Dieu, et toi, Dieu, il te fait homme.
Là où est l'un, il n'est point d'amour. Où deux sont unis, il n'y a qu'une lueur d'amour. Où trois sont unis, là est l'amour. Ton nom est amour, car Ton nom est la Trinité une.
Si Tu étais un, Tu ne serais ni amour ni haine.
Si Tu étais deux, Tu serais alternance d'amour et de haine. Mais Tu es trinité, c'est pourquoi Tu es amour, et en Toi il n'est ni ténèbres ni revirements.
L'amour ignore le temps et l'espace. Il est hors du temps et hors de l'espace. Pour lui un jour est comme un millier d'années, et le millier d'années comme un jour.
Quand je suis uni à Toi par l'amour, alors il n'est ni ciel ni terre: il n'existe que Dieu. Il n'est plus de je et de tu, non plus: il n'existe que Dieu.
L'amour a trois hypostases: virginité, connaissance et sainteté. Sans la virginité, l'amour n'est pas miséricorde, mais égoïsme mondain et passion. Sans la connaissance, l'amour n'est pas sagesse mais folie. Sans la sainteté, l'amour n'est pas puissance mais faiblesse. Quand passion, folie et faiblesse s'unissent, il se crée un enfer que le diable appelle son amour.
Lorsque mon âme est une jeune fille très pure, et ma conscience une sagesse clairvoyante, et mon esprit une conscience vivifiante, alors je suis amour qui s'unit à Ton amour. Par l'amour je Te vois comme moi-même, et Tu me vois comme Toi-même.
A travers l'amour, je ne regarde plus moi-même, mais uniquement Toi. A travers l'amour, Tu ne te regardes plus, mais ne regardes plus que moi.
L'amour se sacrifie, et il ne ressent pas son sacrifice comme un don, mais comme un gain.
Enfants de cette terre: le mot amour est la plus longue des prières.
Existe-t-il un amour terrestre? me demandent mes voisins. Oui, il existe autant que le Dieu terrestre! L'amour terrestre brûle et se consume. L'amour céleste brûle sans jamais s'épuiser. L'amour terrestre, comme toutes choses terrestres, n'est qu'un rêve, une énigme d'amour, Autant les idoles ressemblent à Dieu, autant l'amour terrestre ressemble à l'Amour. Autant la fumée ressemble à la flamme, autant votre amour ressemble à l'amour divin.
Quand vous échangez une pièce d'or contre des sous, vous n'appelez plus vos sous de l'or, mais des sous. Pourquoi alors appelez-vous amour et non cendres un amour divin, réduit et broyé en cendre par le temps et l'espace?
Seigneur, rends-moi digne de l'amour par lequel Tu vis et donnes la vie.
Rends-moi digne de Ton amour, seigneur, et je serai délié de toutes les lois.
Infuse Ton amour en moi, et l'amour m'infusera en Toi.

(1922.)


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Saint Sava: Exauce-moi selon Ta justice, Seigneur!


Prière de saint Sava sur son lit de mort

Seigneur, exauce ma prière, et que mon cri Te parvienne;
et ne détourne pas Ton visage de moi!
Si je m'afflige un prochain jour, penche vers moi Ton oreille
et exauce-moi très vite.
Car mes jours se sont évanouis comme fumées,
et mes os sont bien bouleversés.
Et l'esprit en moi s'est affaibli, tout comme mon coeur est entravé.
Et ma force m'a abandonné.
Aussi j'élève vers Toi mes bras, et mon âme, telle une terre sans eau, désire Ta miséricorde.
Et exauce-moi très vite, Seigneur: mon esprit est aux abois, ne détourne pas Ton visage de moi.
Et sauve-moi de mes ennemis, Seigneur!
Vers toi je me suis réfugié, Seigneur, et Ton bon esprit me conduira à mon vrai pays;
à cause de Ton nom, Seigneur, Tu me ressusciteras selon Ta justice.
Elève mon âme au-dessus de la tristesse, et par Ta miséricorde extermine mes ennemis,
et anéantis tous ceux qui importunent mon âme, car je suis Ton serviteur.
Exauce-moi de Ta justice, et n'entre pas en procès avec Ton serviteur,
car devant Toi nul vivant ne trouvera justification.
Et retire du cachot mon âme, afin qu'elle confesse Ton nom.

(Domentian, 1253.)

mardi 20 décembre 2005

Exauce-moi selon Ta justice, Seigneur

Prière de saint Sava sur son lit de mort

Seigneur, exauce ma prière, et que mon cri Te parvienne; et ne détourne pas Ton visage de moi! Si je m'afflige un prochain jour, penche vers moi Ton oreille et exauce-moi très vite.
Car mes jours se sont évanouis comme fumées, et mes os sont bien bouleversé. Et l'esprit en moi s'est affaibli, tout comme mon coeur est entravé. Et ma force m'a abandonné.
Aussi j'élève vers Toi mes bras, et mon âme, telle une terre sans eau, désire Ta miséricorde. Et exauce-moi très vite, Seigneur: mon esprit est aux abois, ne détourne pas Ton visage de moi. Et sauve-moi de mes ennemis, Seigneur!
Vers toi je me suis réfugié, Seigneur, et Ton bon esprit me conduira à mon vrai pays; à cause de Ton nom, Seigneur, Tu me ressusciteras selon Ta justice. Hisse mon âme hors de la tristesse, et par Ta miséricorde extermine mes ennemis, et anéantis tous ceux qui importunent mon âme, car je suis Ton serviteur.
Exauce-moi de Ta justice, et n'entre pas en procès avec Ton serviteur, car devant Toi nul vivant ne trouvera justification.
Et retire du cachot mon âme, afin qu'elle confesse Ton nom.

(Domentian, 1253.)

dimanche 15 mai 2005

Anduze

Cévennes, éternelle terre d’hérésie!
Depuis les Wisigoths jusqu’aux parpaillots, en passant par les cathares, voici la terre des têtes dures et quérulentes.
Depuis hier samedi en visite chez Pierre-Alain Jacot, pasteur à Anduze.
Il accueille des pèlerins de St-Jacques, car le curé catho ne veut pas leur offrir le gîte. Ne sont pas toujours cathos: le dernier était un juif viré de son domicile...
Bourgade aride sur le Gardon, 3000 hab. Porte des Cévennes.
Hier après-midi, visite du musée du Désert, au Mas Soubeyran. Impressionnant et douloureux mémorial. La salle consacrée aux femmes enfermées à la Tour Constance m’a tiré des larmes. (Le mot gravé dans la pierre: “Résister”!)
Maison natale de Rolland (Pierre Laporte), chef des Camisards.
Par quelles compromissions et monstruosités est passé le maintien de l’ordre royal en France...
Quelle tragédie pour la nation que d’avoir scindé les Français entre 2 confessions. Et la nécessité, pour la seconde, de s’allier avec la Révolution!

Prêche de Pierre-Alain ce matin: parallèle entre les idoles et nos illusions de la modernité: Etat, science, sécurité sociale... Ce garçon calme et laconique s’est déchaîné devant ses paroissiens vieillissants, dans son temple immense et sonore ressemblant à un tribunal... un prêche violent, séditieux, contre la société qui ne reconnaît aucune dimension divine en l’homme.
Aura-t-il été entendu?

dimanche 27 mars 2005

Une liturgie en province

La petite église, au bord de la Save, était bien pleine ce matin. Il est toujours émouvant de poser son pas en ce lieu, peut-être le plus ancien site chrétien en terre d’Europe. Plus émouvant encore de découvrir, à chaque nouvelle visite, un temple plus habité, plus vivant, plus chantant.
Il y a les habituelles matouchkas enfoulardées, plus larges que hautes, lançant des regards méfiants de toutes parts derrière leurs verres carrés en cul de bouteille, prêtes à vous voler dans les plumes. Les oies du Capitole! Mais il y a aussi toute une population simple, rentrée, modeste, absorbée dans la liturgie, de jeunes couples en jeans, bébé à l’épaule, respirant la fraîcheur et un bonheur élémentaire, soudain, comme des voyageurs fatigués qui ont trouvé un hospice.
Un prêtre — père Milorad — à la voix tonnante, un vrai, viril, sévère, aussi barbu que chauve, et son fils prêtre aux traits délicats et aux yeux bleus. Un choeur grave, ardent, chantant clair et fort, tout à son affaire, épaulé par une assistance chaque fois plus sûre et plus rodée.
Une petite église comble, qui chante tout entière, sans manières, sans prétention: la liturgie y devient vraiment un navire où l’on est embarqué presque malgré soi et qui a largué les amarres.
Un gros garçon malade, à la voix de fillette, poussait parfois de menus cris déchirants. On distinguait des “au secours”. Sa mère, toute menue, affligée, l’étreignait, le couvrait de baisers. Alors il se tournait vers la sortie, et je voyais un regard épouvantablement vide, mais vidé par la folie et la terreur. J’avais très envie de le prendre dans mes bras et de lui dire: “N’aie pas peur! Je suis comme toi”. Bien entendu, je ne l’ai pas fait. Mais j’ai l’impression de n’avoir pas été le seul à réprimer cette envie.
Sur une table nappée de blanc, à gauche de la nef, on avait disposé les dons pour le repos de l’âme d’une paroissienne défunte: des pogatchas émiettées, du jito, des lokoums. Le prêtre est venu bénir, clamer mémoire éternelle et dire deux mots sur l’endormie. Le pain des morts a servi d’illustration pour une homélie pénétrante, à propos de l’esprit d’analyse et de l’esprit de synthèse, les deux modes de pensée qui distinguent fondamentalement l’orthodoxie et l’Occident.
“Analysez ce pain: qu’y trouverez-vous? De la farine, du levain, du sel, de l’eau. Vous l’avez décomposé: c’est bien. Et c’est... rien. Qu’en ferez-vous ensuite? Mais représentez-le-vous du point de vue de la ”toute-communauté“: le voilà relié aux vivants qui l’ont fait, à la défunte pour qui il a été fait, à tous les vivants et morts, au blé, au soleil, à l’univers... à Dieu. L’Occident analyse tout, décompose tout en ses éléments inertes. Nous avons été élevés à l’écart de la pensée orthodoxe, nous avons de la peine, même, à comprendre ce qu’elle est. Or (je résume) la pensée orthodoxe ne décompose pas les phénomènes, elle les unit et les relie entre eux en les liant à ce qui est au-dessus.”
Et le peuple a écouté sans bouger cette leçon de théologie et de philosophie, dite en des mots qui lui étaient accessibles. Et le peuple a appris quelque chose. Sans ces paroles du dimanche, ces pauvres gens vivraient dans les ténèbres, noyés par les soucis quotidiens. Avec ces paroles, ils savent que tout cela, si envahissant qu’il fût, n’est qu’une illusion, un à-côté.
J’ai songé alors au malheureux troupeau des chrétiens occidentaux, précipités par leurs propres pasteurs dans l’enfer de l’immanence, sincèrement persuadés que le futile (l’émotionnel, le moral, l’humanitaire) est l’essentiel, incapables de voir qu’il ne s’agit que de vues de l’esprit. Et rivés pour cela à leur ornière terrestre où l’on s’emploie à assécher devant eux les dernières flaques d’eau qui leur permettaient d’entrevoir les reflets du ciel.
Combien nos pauvres petits ménages en blue jeans — délavés par la pauvreté, non par le fabricant —, sont plus riches et plus heureux que tout le troupeau berné par le Grand Inquisiteur...
Et puis, la compassion de ce peuple, qu’il dissimule comme une maladie honteuse, ne la laissant filtrer, chichement, qu’à l’église, et encore de biais: en s’associant si chaleureusement dans la prière.
“Comme nous serions meilleurs sans la crainte d’être dupes” s’écria Jules Renard...

vendredi 28 janvier 2005

Saint-Sava 2005. Un grand jour

Nous venons de vivre un grand jour.
Le 27 janvier (ou plutôt le 14 selon le calendrier julien), c’est la Saint-Sava, l’autre grande fête spécifiquement serbe.
A six mois d’intervalle, presque jour pour jour, les Serbes fêtent le Vidovdan, ou la Saint-Guy, en été, et la Saint-Sava, ou Savindan, l’hiver.
La fête d’été est nationale et largement colorée de paganisme slave. La fête d’hiver, elle, est la quintessence de l’esprit chrétien.
Nous fêtons – et disant nous, j’englobe Grecs, Bulgares, Russes... — un homme qui a, sur cette terre même, illustré devant son peuple et l’humanité de son temps la grande promesse chrétienne, l’unique: la déification de l’homme!
Sava, fils de roi, se réfugia par ruse au Mont Athos, à dix-sept ans, parce qu’il savait qu’il n’avait pas d’autre voie devant lui. Vénéré des moines, encore jeune, il obtint de l’Empereur le droit de fonder un monastère, le premier et unique monastère serbe de la Sainte-Montagne: Hilandar. Le voici encore debout, contre vents et marées, contre pirates et incendies. Debout, ébréché mais non profané. Huit cents ans plus tard! Tout comme le minuscule prieuré situé aux portes de la Montagne: depuis les temps de Sava, chaque jour, chaque nuit que Dieu a faits, un ou deux anachorètes, soumis au canon très austère du saint, prient pour leur salut et le nôtre.
Mais, par sa violente douceur, il obtiendra bien plus encore: la réconciliation de ses frêres sur le trône de Serbie; l’arrêt de deux invasions de son pays; et surtout: l’autocéphalie de l’Eglise orthodoxe serbe vis-à-vis de Byzance. Non un schisme à l’occidentale, mais une indépendance complète dans une tout aussi complète communion! Encore un jalon posé par Sava, vers l’an 1200, et que personne n’a encore réussi à arracher...
Les oeuvres qu’il a accomplies, à elles seules, sont un catalogue trop long pour être déroulé ici. Mais certaines sont de vivantes icônes gravées dans nos mémoires: Sava accueillant Nemanja roi de Serbie, et devenant au monastère le père spirituel de son père terrestre — lui même devenu saint sous le nom de Siméon ; Sava instruisant le peuple, guérissant les maladies; Sava terrassant un roi barbare par la seule parole de Dieu; Sava recevant les icônes au monastère de saint Sabbas, au Sinaï, pour accomplir une prophétie vieille de plusieurs siècles; Sava faisant jaillir l’eau vive des pierres qu’effleurait son bâton de pèlerin...
Car pèlerin il fut, et mourut du reste à l’étranger, en Bulgarie, où la vénération de ses reliques était telle qu’on frôla la guerre lorsque les Serbes voulurent les rapatrier.
Sava, c’était très exactement l’anti-roi Midas. Celui-ci transformait en métal inerte tout ce que ses lèvres effleuraient; celui-là sanctifiait et vivifiait la terre même que ses pas foulaient...

Enlevé ce monde, il continua de rayonner avec une énergie non moindre: comment expliquer sans lui la résurrection, au XIXe siècle, d’un peuple qui avait perdu l’entier de sa noblesse dans la bataille de Kosovo, qui avait connu cinq siècles d’obscurantisme absolu sous le joug ottoman, qui avait perdu sa culture, ses institutions, son écriture même... et qui entrait dans l’ère moderne avec l’étole de saint Sava sur sa bannière?
Les Turcs le sentaient si bien, ce rayonnement, qu’un de leurs pachas, excédé, fit brûler les reliques de Sava sur l’une des collines de Belgrade. Mais ses cendres elles-mêmes auront servi de monnaie pour le rachat de sa terre: à l’endroit même où, en 1599, on incinéra le plus grand saint serbe, s’élève aujourd’hui l’une des plus grandes églises chrétiennes au monde!
Le destin de Sava contient l’ensemble des tragédies de son peuple: ainsi le sacrilège qui crut s’en débarrasser en détruisant sa dépouille était lui-même un Serbe islamisé! Que de présages dans cette apothéose...

Saint Sava est, en Serbie, le patron des écoles et le protecteur des loups. Jusqu’à l’avènement du communisme, tous les matins, les écoliers chantaient l’hymne dédié à leur évangélisateur et premier instituteur. Les écoliers d’aujourd’hui le chantent de nouveau, alors que leurs parents n’en connaissent pas les paroles.


Voilà pourquoi ce jour est important entre tous. Mais voici pourquoi la Saint-Sava de cette année revêt un caractère encore plus solennel et plus bouleversant.
Une dépêche d’agence nous apprend aujourd’hui (voir ci-dessous) qu’un monastère a soumis au Synode de l’Eglise serbe une demande de canonisation, appuyée par une icône déjà peinte de la bienheureuse en question. Il arrive, lorsqu’un saint fait l’objet d’une grande ferveur populaire, que la foi devance le calendrier, et que des icônes se mettent à circuler avant même que le saint soit reconnu.

Le monastère de Tvrdoš, “place dure”, est l’un des plus anciens de la chrétienté. Il est aujourd’hui le siège d’un évêque immense, débordant de toutes parts les cadres étriqués de son temps. Mgr Athanase, théologien, pasteur de son peuple, imprécateur anticommuniste, footballeur et combattant, est l’homme qui m’a baptisé. Cette âme insoumise, qu’aucun synode ne peut contenir, aucune police bâillonner, a donné la réponse qu’il fallait donner, la seule, aux maîtres du monde qui piétinent l’humanité entière après s’être échauffés sur la Serbie.
Mgr Athanase s’est mis à genoux devant une enfant très pure, enlevée à trois ans par un éclat de bombe, alors qu’elle faisait pipi dans sa salle de bains. C’était le 17 avril 1999. Mgr Athanase a convoqué les iconographes afin d’immortaliser sur la pierre antique cet emblème de notre modernité.
Dans leur guerre de lâches contre les civils d’un pays dont ils redoutaient les soldats, les criminels de l’OTAN ont tué des centaines d’innocents comme Milica. Sur le pont de Varvarin, le 30 mai 1999, jour de la Trinité, ils ont aussi assassiné une adolescente connue pour être une mathématicienne de génie. Milica n’était pas la première, mais c’est sa mort absurde et cruelle qui a révolté le pays, c’est ce visage souriant d’un presque bébé qui l’a incité à tenir bon.
Nos maîtres peuvent s’offrir des tribunaux internationaux à leur solde chargés de les blanchir en couvrant autrui de boue. Ce n’est qu’une affaire d’argent. Nos maîtres peuvent modifier à leur gré le droit international ou local, organiser des battues médiatiques contre ceux qui les gênent, escamoter la réalité et la remplacer par une hallucination électronique. Cela coûte énormément d’argent, mais ils savent le trouver.
Mais que peuvent nos maîtres contre Milica, que leurs spadassins abrutis, partis du Minnesota ou de Hambourg, sont allés assassiner pratiquement dans son berceau? Que peuvent-ils si ce pauvre corps qu’ils ont déchiqueté est devenu un corps glorieux? Que peuvent l’ensemble des puissances du monde contre un saint?
Si les Serbes ont résisté à leur pluie de feu durant 78 jours, dans l’héroïsme et dans l’humour, alors que trois jours de semonces auraient dû suffire, c’est précisément parce qu’ils ne sont pas comme eux. C’est parce que, aussi occidentalisés, aussi soviétisés, aussi désabusés qu’ils soient, ils croient au fond d’eux-mêmes en la promesse chrétienne: la déification de l’être humain.
L’enfant Milica est plus que le député de tous les petits innocents assassinés par l’OTAN dans un jeu de massacre. L’enfant Milica déifiée et bientôt canonisée est l’icône de cette résistance inouïe. Patronne de ces 78 jours, elle apporte le 78e nom au registre des saints serbes.
Laissons de côté la foi, si elle vous irrite. Parlons géopolitique: la Serbie officielle est à genoux. Depuis qu’elle a livré son chef récalcitrant, elle ne songe qu’à devancer, haletante, les moindres désirs de ses mentors, de ceux-là même qui l’ont “renvoyée à l’âge de pierre” avec leurs bombes.
Soit. Mais il y a une autre Serbie — ou la même, à d’autres heures — qui organise sa défense et sa survie. Qui reconstruit sa réserve de modèles, de causes qui méritent le sacrifice d’une vie. Qui érige ses monticules, certes petits, mais suffisants pour voir venir l’autre tsunami, le plus dévastateur: le remplacement de l’être humain par une fiction socio-économique...


27 janvier 2005.






Glas javnosti,

Cetvrtak, Sv. Sava, 2005.

Vesti:

Freska Milice Rakić u manastiru Tvrdoš

BANJALUKA - Drevni srpski manastir Tvrdoš kod Trebinja, koji su, prema predanju, podigli car Konstantin i carica Jelena u četvrtom veku, odnedavno je bogatiji za fresku trogodišnje Milice Rakić iz Beograda, žrtve NATO bombardovanja i, možda, budućeg sveca Srpske pravoslavne crkve.

Kako je objavio Glas Srpske, na incijativu penzionisanog episkopa Atanasija Jevtića i po blagoslovu vladike hercegovačkog Grigorija, u crkvi Svetog uspenja u manastiru Tvrdoš živopisana je Milica Rakić kao novomučenica, sa još šest još nekanonizovanih svetiteljki, uključujući i majku svetog Vasilija Ostroškog - Anu. Predlog za kanonizaciju male Milice, kao simbola svih žrtava NATO agresije, predat je Svetom arhijerejskom sinodu Srpske pravoslavne crkve koji donosi konačnu odluku.

Kad se odluka verifikuje, piše se tropar sveca, slika ikona i određuje dan praznovanja u crkvenom kalendaru, a ime novokanonizovanog sveca uvodi se u imenoslov svetih Srba, gde je do sada uvedeno 77 ličnosti.

Tanjug

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Une fresque de Milica Rakić au monastère de Tvrdoš
BANJALUKA - L'antique monastère de Tvrdoš, près de Trebinje, érigé selon la tradition par l'empereur Constantin et l'impératrice Hélène au IVe siècle, s'est enrichi depuis peu d'une fresque représentant la petite Milica Rakić, de Belgrade, enlevée à l'âge de trois ans par les bombardements de l'OTAN, et, peut-être, future sainte de l'Eglise orthodoxe serbe.
Selon le journal Glas Srpske, c'est sur l'initiative de l'évêque retraité Athanase Jevtić et avec la bénédiction de l'évêque Grégoire d'Herzégovine, Milica Rakić a été représentée dans l'Eglise de la Sainte Ascension, au monastère, en compagne de six autres bienheureuses non encore canonisées, dont Anne, la mère de saint Basile d'Ostrog. La demande de canonisation de la petite Milica, en tant que symbole de toutes les victimes innocentes de l'agression de l'OTAN, a été soumise au Saint Synode de l'Eglise orthodoxe serbe, qui prendra la décision finale.
Une fois qu'une telle décision est arrêtée, il est d'usage de rédiger un tropaire en l'honneur du nouveau saint, de peindre son icône et de fixer le jour de sa fête dans le calendrier ecclésiastique, tandis que le prénom du nouveau canonisé est porté au registre des saints Serbes, qui sont 77 à ce jour.

Agence Tanjug, 27.1.2005.


*

Que

dimanche 17 octobre 2004

Dans la nef insubmersible


C'est aujourd'hui la fête du despote Stefan Štiljanović, grand prince guerrier comme Alexandre Nevski, et dont l'icône est celle des Migrations de Tsernianski.
C'est la fête, aussi, de sa femme, qui prit le voile après la mort du héros et accéda à la sainteté.

Ma visite à la Fruška Gora ne pouvait tomber mieux! Arrivé au miraculeux monastère de Grgeteg sous pluie battante, resté pour le dîner du dimanche, reparti avec l'icône de St Panteleïmon sous le bras, heureux...
Une grande vérité m'est réapparue très clairement dans cette église, au milieu de ce peuple pauvre et harassé, si désarçonné qu'il ne sait même plus s'endimancher autrement qu'en enfilant un training propre... au bord de cette immense plaine fertilisée par les incendies et le sang humain, sous cette pluie de déluge qui semblait ne jamais devoir s'arrêter, sous ce "ciel bas et lourd qui pèse comme un couvercle" déjà enduré par Baudelaire.
La vérité... Elle n'a jamais été, ne sera jamais objet de connaissance rationnelle. Elle est apparue comme une perception instable, fulgurante, et aussi comme l'incarnation passagère, dans la réalité visible, d'une entité abstraite, géométrique, intangible dans le monde matériel, et pourtant évidente: une sorte de centre de gravité, simple point médian qui détermine tout le mouvement d'un objet. Comment la définir mieux? Comme l'intersection d'au moins deux nécessités absolues?
Voici de quoi elle était, tout à l'heure, l'intersection: de la lumière tenace des cierges et des veilleuses, entretenue en ces lieux, contre vents et marées, depuis leur fondation; des regards sereins des grandes icônes sur le pourtour; du chant des moniales; du souvenir, c'est à dire de l'histoire apprise dont je me suis approprié comme d'un vécu; de l'aspect de ces ouailles, arborant les accoutrements et l'attitude de l'humanité nivelée à son stade ultime, ne sachant plus discriminer entre tenue de travail, tenue de loisir et tenue d'apparat, ni adopter les contenances respectives...
Tout cela était là, ensemble, et j'ai vu que cet ensemble serait "là" jusqu'à la fin des temps. Que les gouvernements pouvaient changer, les frontières se remodeler, les générations se dérouter... Et que cela tiendrait quand même.
Pourquoi?
Parce que, d'abord, si l'Evangile a un message clair, c'est: la quantité le cède à la qualité.
Qu'ils restent trois là-dedans, et la liturgie sera aussi importante et aussi belle.
Parce que si ces prolétaires absolus s'accrochent encore, un dimanche pluvieux, aux rites de Saint Jean Chrysostome, c'est qu'ils n'en décrocheront plus. La modernité a atteint son apogée dans les "trente glorieuses": on était récompensé de ne croire en rien. Aujourd'hui, on n'est plus récompensé de rien, uniquement insulté, trompé, battu. La comète nous a frôlés, elle s'éloigne désormais, pour des lustres. Nous reportons le regard sur notre glèbe, nous demandons explication, en tout cas consolation.
Ces gens sont tellement harassés, tellement enlaidis, tellement privés d'espoir par le monde où ils vivent, que pour les détacher de ce rite antique il faudra tous les martyriser.
Or le martyre est la couronne des croyants et le premier aliment de l'Eglise. C'est cynique, mais mathématiques: les martyrs de 1941-45, privés même de sépulture, comprimés sous terre, ont fini par faire séisme, éruption, dans les années 90. Ils ont éveillé des millions d'homo soviéticus, dont le diable lui-même ne s'occupait plus, tant ils lui étaient acquis. Et voilà qu'il faut déployer aujourd'hui un arsenal d'iniquités pour tenter de les contenir. Et le cycle du moteur — injection, allumage, expansion —  est sur le point d'être réamorcé. D'une manière sans doute moins spectaculaire que dans le cycle précédent, mais non moins efficace.
Pour peu, donc, que le dogme et les rites restent inchangés (et ils le restent), cette nef continuera de voguer, sans s'occuper de la mer ni des vents alentour. Ou alors, elle sera martyrisée. Mais alors son adoration se poursuivra dans un autre royaume. Elle est condamnée à triompher...

Cette vérité est aussi évidente qu'un théorème, c'est presque ridicule. C'est ce qui explique l'étrange et sarcastique décontraction de nombre de nos moines et théologiens face aux vicissitudes du temps. Qu'importe? Dans la mesure où la destination est comprise dans la traversée — elle lui est simultanée, synchrone —, seul se maintenir à flot importe. Tout notre destin est entre nos mains! Tout!

D'où le secret de la lutte spirituelle selon les Béatitudes: non, ne lèse pas celui qui t'a lésé. Au contraire, facilite-lui la vie. Offre-lui les meilleures conditions possibles pour l'accomplissement de son propre destin. Moins il aura d'alibis et plus il tremblera au jour dernier...
Tendre l'autre joue n'est masochiste qu'aux yeux des incroyants. Lorsqu'on comprend la vision du monde des croyants, cela s'avère n'être qu'une tactique. Tendre l'autre joue, c'est tendre un miroir. C'est retourner l'épée de l'autre contre lui-même. C'est du judo!
C'est si efficace que c'est presque malhonnête. Qui sait pourquoi il tend sa joue, celui-là est indifférent à l'issue de l'altercation: il gagne à tous les coups!
Et voilà d'où elle vient, notre insupportable désinvolture. Voilà la source de notre impitoyable humour!

On rit. Mais tout cela recouvre un incroyable secret, inaccessible et pourtant si simple...