lundi 20 décembre 2010

Pour une fois, on ne m'a pas consulté sur le Kosovo

Les médias ont leurs habitudes. Ainsi, pour la radio suisse romande et certaines rédactions de presse, j'étais devenu, depuis une quinzaine d'années, le "Serbe de service". On m'interrogeait sur Vukovar, Srebrenica, le bombardement de 99... et même sur des sujets moins lugubres, tels que la relance économique en Serbie ou la coupe Davis...
Lorsque Dick Marty a rendu public son rapport sur le trafic d'organes au Kosovo, je me suis demandé si le téléphone sonnerait. Et... non.
Aucune rédaction, cette fois-ci, n'a consulté le "Serbe de service" sur cet événement de taille. Tant mieux: qu'aurais-je eu à rajouter aux épouvantables détails recensés par l'enquêteur suisse, ou aux interrogations des journalistes eux-mêmes, allant jusqu'à se demander si certains Etats n'allaient pas revenir sur leur reconnaissance hâtive de cet Etat mafieux.
Tant mieux. Qu'aurais-je pu dire sans tomber dans l'irrespect sur la visite annulée de Mme Calmy-Rey, la présidente de la Confédération helvétique, au Kosovo "souverain", où elle devait se rendre justement ces jours-ci pour recevoir la récompense de son généreux engagement en faveur de la pleine reconnaissance de cet Etat mafieux dirigé par des criminels notoires?
Qu'aurais-je pu ajouter à la perplexité déjà considérable des journalistes qui ont trouvé mention de cet ignoble commerce de chair humaine dans les mémoires de Mme del Ponte, alors procureur du TPI, et qui comprennent maintenant que cette magistrate a non seulement refusé d'instruire le cas, mais encore autorisé la destruction des preuves? Peut-être était-ce l'occasion de rappeler que la même Carla del Ponte a enterré de la même manière un dossier encore plus grave: le recensement de quelque 3200 civils serbes massacrés aux alentours de Srebrenica, de 1992 à 1995, par les hommes de Naser Orić. Préférant à cette documentation circonstanciée la liste arbitraire des "Huit mille musulmans tués" constituée par le HCR sur la base de déclarations non vérifiées recueillies après les faits auprès d'une des parties en guerre (liste qui convoque, notamment, des centaines de musulmans morts et enterrés dans les cimetières de la région bien avant la prise de Srebrenica).
Et aurais-je eu besoin de souligner les remises en question que cette affaire entraîne concernant le traitement global de la crise yougoslave par les Occidentaux, qui ont œuvré à ceinturer la Serbie de micro-Etats bananiers dirigés par une véritable galerie de rebuts de l'humanité: le révisionniste Tudjman en Croatie, le fondamentaliste islamique Izetbegović en Bosnie, le trafiquant de cigarettes Djukanović au Monténégro, enfin le revendeur de drogue et de viande humaine — vivante et morte — Hashim Thaçi au Kosovo?
Tous ces épouvantails étaient plus que des alliés: des amis de l'Occident! De grands chefs d'Etat! Des visionnaires! Qu'on finançait, protégeait, armait, habillait, défendait, tout comme le hamster débile et couard qu'on a envoyé gouverner la Géorgie ou les gangsters "oranges" qu'on avait mandatés — sans succès — pour arrimer l'Ukraine à l'OTAN.



Tout compte fait, si l'on m'avait consulté cette fois-ci sur l'actualité ex-yougoslave, je n'aurais eu qu'un conseil à donner: qu'on retire soigneusement de la circulation toutes les photos montrant M. Kouchner, les généraux otaniens, le très-peu-regretté Richard Holbrooke et Mme Calmy-Rey bras dessus-bras dessous avec leurs héros kosovars de l'UÇK. Afin d'éviter que le bon peuple d'ici ne vienne à invoquer un vieil adage qui n'a jamais menti: Qui se ressemble s'assemble...

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