mardi 26 août 2008

Le dialogue, base de la politique étrangère suisse?

Exposant son credo en matière de politique étrangère suisse ce lundi, Micheline Calmy-Rey a livré, selon les comptes rendus, un «vibrant plaidoyer pour le dialogue», prônant concrètement la prise en compte de partenaires considérés comme «infréquentables» par les autres pays occidentaux: Hezbollah, FARC ou rebelles tamouls.
Autant pour les principes. Voyons maintenant l’exécution (je cite la RSR):
««Nous sommes bons dans les phases initiales, mais moins bons dans la conclusion», a reconnu la cheffe du DFAE.»
Enfin, les finalités:
«La politique de dialogue en politique étrangère sert directement les intérêts de la Suisse, selon la conseillère fédérale.»
L’événement historique survenu aujourd’hui jette un voile d’ironie sardonique sur cette profession de foi.
Sans hésitations ni scrupules, la Russie vient de reconnaître l’indépendance des deux régions séparatistes de Géorgie, qui n’ont même pas le début des attributs d’un Etat.
Elle rend la monnaie de sa pièce à l’Occident, qui a reconnu le mafialand du Kosovo, si chaotique qu’il est entièrement quadrillé par les forces de l’OTAN.
Et pourquoi ne reconnaîtrait-elle pas, dans la foulée, la Transdniestrie, qui affiche bien plus d’attributs de souveraineté que la plate-forme américaine détachée du sud de la Serbie?
La grimace répond à la caricature. On voit d’ici l’enchaînement des dominos dans toutes les régions disputées du monde. Les puissances y trouveront toujours quelque village gaulois à défendre…
La guerre nucléaire frontale étant trop coûteuse, il est probable que ces immixtions «humanitaires» invoquant le «rétablissement de la paix» seront le modèle des conflits à venir, brefs et localisés, mais d’une brutalité croissante. Le genre de rixes sanglantes et cruelles qui inspireront, peut-être, un nouveau Dunant pour un nouveau «Souvenir de Solferino»...

Or, les historiens relèveront sans nul doute la responsabilité de la diplomatie suisse et de Mme Calmy-Rey en personne dans cette course au chaos initiée avec le démantèlement yougoslave des années 1990, mais que la reconnaissance du Kosovo par les Occidentaux — Suisse en tête — en 2008 a promue au rang de jurisprudence planétaire.
Mme Calmy-Rey, qui prône aujourd’hui le dialogue même avec des mouvements terroristes, a fourni dans l’affaire du Kosovo un rare exemple d’autisme, d’entêtement et de fermeture d’esprit. Dans sa campagne pour la fragmentation des Balkans, elle n’a fait aucun cas des admonestations et des suppliques, tant intérieures qu’extérieures. Les arguments de la Serbie, fondés sur le droit international, elle n’a même pas pris la peine de les examiner.
Même indifférence face aux mises en garde méticuleuses, lourdes d’arrière-pensées, de la Russie, sur la signification de ce précédent.
C’est là qu’à la morgue s’est ajoutée la sottise. Snober la petite Serbie, d’accord. Mais insulter la Russie, immense, gazeuse, pétrolifique et nucléaire? On discute avec le Hezbollah, avec la guérilla sud-américaine… mais on claque la porte à la Russie. Ce membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU était donc plus «infréquentable» que les groupes terroristes les plus infréquentables!

Ces dix dernières années, l’Occident s’est employé à démanteler le droit international, un édifice qu’il a lui-même construit afin d’éviter les cauchemars de la guerre. Dans cette entreprise imprudente, la diplomatie suisse a remporté la palme de l’imprévoyance. Sans profit visible. Sans grâce. Sans vision. Sans but.
L’attitude de ce pays jadis neutre, hôte des organisations internationales, a été attentivement observée et analysée. Mme Calmy-Rey, aveuglée par ses ambitions, a peut-être cru que ces examens cliniques étaient des regards d’admiration.
Après avoir servi de poisson-pilote, dans les Balkans, à la géostratégie américaine, la voilà qui se couvre d’un voile pour amadouer les ennemis d’Oncle Sam. Est-ce cela, être «bons dans les phases initiales, mais moins bons dans la conclusion»?
La reconnaissance du Kosovo a été le «succès» le plus notable de la politique étrangère suisse ces dernières années. Elle aura servi d’ouverture à un retour aux conflits du XIXe siècle. Elle a reposé sur une démarche rigoureusement unilatérale d’où tout «dialogue» réel était écarté. Est-ce cette politique-là qui «sert directement les intérêts de la Suisse»? Non, heureusement, puisque, de cette politique, l’élément du dialogue était rigoureusement absent.


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Posté ce 26 août comme commentaire d'actualité sur le forum du "Grand 8" de la RSR:
http://g8.rsr.ch/?p=259#comment-93



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