dimanche 6 janvier 2008

De l'art officiel


Je reçois chaque année, de tel ministre, une grande carte de voeux. Honneur bien modeste au demeurant: l’adresse du destinataire est collée, la signature imprimée.

Le ministre en question, qui s’était illustré à ses débuts par ses déclarations hardies et sensées sur les abus de l’art officiel, aussi conceptuel qu’impopulaire, a fini par apprendre les manières. Cette année, sa carte ne figure qu’une sommaire calligraphie, où les trois premiers chiffres du millésime sont droits et en noir, tandis que le quatrième, le 8, a basculé à l’horizontale et viré au rouge.

A l’intérieur, un bref message nous justifie la mise en scène: 
«Une nouvelle année, c’est l’occasion d’entreprendre du neuf.
C’est ainsi qu’un 8 se transforme en signe de l’infini. 
L’avenir appartient à qui ne regarde pas seulement en arrière.»

Pour concevoir une mise en page aussi exigeante, il aura fallu toute l’imagination d’un jeune artiste-designer, dûment crédité au dos de la carte...
Sobriété ostentatoire, calembour visuel autour d’un poncif des plus éculés ( 8 -> ∞), le tout enrobant une platitude digne des avant-gardistes de province chers à Flaubert. Notre ministre, tout provincial qu’il est, a bien compris la leçon: contrôler ses émissions de sens comme si c’était un polluant, demeurer aussi lisse et insignifiant que possible — et recouvrir ce vide du voile complaisant du design. Comment dès lors ne pas reconnaître l’utilité, la nécessité même, du vacuum infini de l’art conceptuel?




Related Tags:

Aucun commentaire: