lundi 30 octobre 2006

Une histoire pour David Lynch ou Bioy Casares


Vers la minuit, tout à l'heure, je retournais de Belgrade après avoir passé la soirée chez les Kapor et déposé Dobrica chez lui. Faute de mieux, pour me tenir éveillé, je mets la radio.
A force de zapper, entre turbo-folk et techno, je tombe sur un solo de guitare signalant un morceau audible, tendance rock années 80. Mais la station semble brouillée par une station voisine. Irrité, je m'apprête à changer de fréquence, lorsque je tends l'oreille: le signal parasite se répète en boucle! Et en plus il m'est connu!
La boucle dure deux secondes environ: la cadence du microsillon rayé. Elle ne contient qu'un bout de phrase tiré d'une chanson italienne. La voix graillonnante du chanteur — de ces voix qui me font détester la canzone — répète 6 syllabes sur un rythme ternaire (tata-tata-tata) quasi scandé: "La porta chiusa ma... La porta chiusa ma... La porta chiusa ma..."
Cette porte fermée est d'un effet lugubre. Ce d'autant que je reconnais le mantra: je l'ai déjà entendu l'après-midi, en allant à Belgrade. Depuis, on n'a pas songé à arrêter le disque rayé!
Mal à l'aise, je zappe, puis lance la bande magnétique. Au bout d'un quart d'heure environ, alors que j'arrive à la maison, je retrouve la station: toujours le même bruit de fond. Mais aussi: toujours le même morceau devant! L'Italien scande "La porta chiusa ma..." tandis que l'Américain se lamente à longues syllabes qu'il devient fou d'amour ("I'm going craaaazyyy..."). La surimpression des deux produit un effet de démence hypnotisant. J'arrête la radio sur cette fréquence: au bout de quelques minutes, la chanson de premier plan s'arrête. Puis elle recommence...

Quelle est la station qui s'amuse à de telles blagues? Pourquoi? Mystère. L'atmosphère en tout cas m'a transporté dans Lost Highway ou dans L’Invention de Morel. Immédiatement. Et avec une force étonnante...

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