4x4=0
(A propos de l'initiative pro-4x4 de Jean-Charles Kollros)
Malgré ma sympathie pour sa passion du débat public, je ne parviens pas à suivre Jean-Charles Kollros sur le terrain du tout-terrain.
Le réseau routier suisse est sans doute l'un des mieux équipés et des plus denses au monde, trop dense même pour qui veut s'isoler. Seuls les paysans, dans ce pays, risquent l'enlisement et le patinage. Or la plupart d'entre eux se contentent d'une marque japonaise dénuée de prestige, dont les véhicules ne se distinguent guère, extérieurement, des voitures de route. Les autres automobilistes, en Suisse, ne trouvent la gadoue que parce qu'ils la cherchent.
Dans un tel pays, le besoin d'un mastodonte surélevé à crampons relève du pur fantasme. Un fantasme ancré dans les zones primaires du cervelet, régissant l'instinct de puissance et la libido.
Et alors? me répondra-t-on. Nul ne contrarie les envies de ceux qui rêvent du luxe britannique cousu main ou de ces bolides italiens atteignant le triple de la vitesse autorisée. Fantasme pour fantasme...
Voire. Le 4x4 constitue un "segment" commercial stratégique pour les constructeurs. Contrairement à la Rolls ou à la Ferrari, on ne le laisse pas au garage en attendant les grandes occasions: il prend la place, dans la circulation, de véhicules mieux adaptés, moins polluants et moins dangereux. Statistiquement, le tout-terrain n'est pas la fidèle monture de l'explorateur post-moderne, mais le caddie des bourgeoises aisées.
Or, l'usage d'un tel caddie entraîne bel et bien certaines responsabilités.
Face aux autres d'abord: s'il me fallait choisir entre Charybde et Scylla, je préférerais tout de même être renversé, à vitesse égale, par une Twingo que par un pare-buffle. La loi de la gravité est dure, disait Brassens, mais c'est la loi.
Face à soi et aux siens ensuite: il est démontré que ces véhicules balourds sont moins sûrs que d'autres pour leurs propres occupants.
Face à l'environnement, cela va sans dire. Mais il y a autre chose...
J'ai possédé jadis une Renault 4. Simple, intelligemment conçue, elle ne comptait que sur son train avant et sa légèreté pour surmonter des tempêtes hivernales où les prétentieux 4x4 hésitaient, se déhanchaient, et souvent se garaient piteusement sur le bas-côté. Il est vrai que le surarmement dégrade toujours la qualité des combattants...
Voici où je veux en venir: la multiplication des 4x4 en ville (car c'est surtout là qu'on les consomme), c'est comme le déclassement des ordinateurs par l'inflation des jeux vidéo, comme les bombardements américains, comme la multiplication des chronomètres de plongée au poignet des glandeurs de plage: c'est l'homme hypnotisé par ses moyens. Si deux tonnes de ferraille achetées en leasing peuvent devenir synonymes de nature et d'évasion, c'est que la bêtise industrielle progresse furieusement.
Si des gens veulent contribuer à ce progrès-là, libre à eux. Mais la bêtise poussée à ce point mérite bien un impôt spécial!
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Malgré ma sympathie pour sa passion du débat public, je ne parviens pas à suivre Jean-Charles Kollros sur le terrain du tout-terrain.
Le réseau routier suisse est sans doute l'un des mieux équipés et des plus denses au monde, trop dense même pour qui veut s'isoler. Seuls les paysans, dans ce pays, risquent l'enlisement et le patinage. Or la plupart d'entre eux se contentent d'une marque japonaise dénuée de prestige, dont les véhicules ne se distinguent guère, extérieurement, des voitures de route. Les autres automobilistes, en Suisse, ne trouvent la gadoue que parce qu'ils la cherchent.
Dans un tel pays, le besoin d'un mastodonte surélevé à crampons relève du pur fantasme. Un fantasme ancré dans les zones primaires du cervelet, régissant l'instinct de puissance et la libido.
Et alors? me répondra-t-on. Nul ne contrarie les envies de ceux qui rêvent du luxe britannique cousu main ou de ces bolides italiens atteignant le triple de la vitesse autorisée. Fantasme pour fantasme...
Voire. Le 4x4 constitue un "segment" commercial stratégique pour les constructeurs. Contrairement à la Rolls ou à la Ferrari, on ne le laisse pas au garage en attendant les grandes occasions: il prend la place, dans la circulation, de véhicules mieux adaptés, moins polluants et moins dangereux. Statistiquement, le tout-terrain n'est pas la fidèle monture de l'explorateur post-moderne, mais le caddie des bourgeoises aisées.
Or, l'usage d'un tel caddie entraîne bel et bien certaines responsabilités.
Face aux autres d'abord: s'il me fallait choisir entre Charybde et Scylla, je préférerais tout de même être renversé, à vitesse égale, par une Twingo que par un pare-buffle. La loi de la gravité est dure, disait Brassens, mais c'est la loi.
Face à soi et aux siens ensuite: il est démontré que ces véhicules balourds sont moins sûrs que d'autres pour leurs propres occupants.
Face à l'environnement, cela va sans dire. Mais il y a autre chose...
J'ai possédé jadis une Renault 4. Simple, intelligemment conçue, elle ne comptait que sur son train avant et sa légèreté pour surmonter des tempêtes hivernales où les prétentieux 4x4 hésitaient, se déhanchaient, et souvent se garaient piteusement sur le bas-côté. Il est vrai que le surarmement dégrade toujours la qualité des combattants...
Voici où je veux en venir: la multiplication des 4x4 en ville (car c'est surtout là qu'on les consomme), c'est comme le déclassement des ordinateurs par l'inflation des jeux vidéo, comme les bombardements américains, comme la multiplication des chronomètres de plongée au poignet des glandeurs de plage: c'est l'homme hypnotisé par ses moyens. Si deux tonnes de ferraille achetées en leasing peuvent devenir synonymes de nature et d'évasion, c'est que la bêtise industrielle progresse furieusement.
Si des gens veulent contribuer à ce progrès-là, libre à eux. Mais la bêtise poussée à ce point mérite bien un impôt spécial!
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