vendredi 28 décembre 2012

Ouf! (La révélation de 2012)

On l’a échappé belle ! Le 21 décembre est passé et nous sommes encore là. L’ultime feuillet du fatidique calendrier maya a été arraché sans entraîner de déchirure dans le tissu de l’univers. Le solstice, d’un seul coup de reins, a encore basculé tout notre hémisphère vers les beaux jours. Décorations et cadeaux ont illuminé les yeux des enfants. L’apocalypse 2012 tant attendue a fait long feu. Tout est comme avant et nous sommes peut-être, sans nous l’avouer, un peu déçus.

Or tout est-il vraiment comme avant ? Admettons qu’apocalypse ne signifie pas « ravage » et « punition », comme le veulent les pères fouettards, mais « révélation », comme le veut le sens originel du mot. Et demandons-nous si cette année mystique ne nous a pas apporté quelques changements vrais et profonds.


Apocalypse_2012_allen_mowery

© Allen Mowery (allenmowery.com)

Le plus flagrant est la disparition de la « communauté internationale ». Souvenez-vous : jusqu’à l’an dernier, c’était l’arbitre ultime et tout-puissant des affaires du monde. Elle s’ingérait, elle fustigeait, elle bombardait. Le pays stigmatisé par la « communauté internationale » était mis au ban des nations. Mais nous voici en pleine crise syrienne et la « communauté internationale » brille par son absence. On évoque l’indignation de la France, l’opposition de la Russie, l’argent de Qatar. Les observateurs savaient de longue date que la « communauté internationale » n’était qu’un clan composé des États-Unis, de l’UE et de quelques bailleurs de fonds sunnites. Sa façade d’universalité est tombée. Aujourd’hui, les affaires internationales apparaissent enfin pour ce qu’elles sont : une guerre de gangs. Plus personne ne peut tuer autrui au nom de la morale et de la démocratie.

Tiens, et l’ONU ? On l’avait totalement oubliée, celle-là. Elle nourrit encore quelques fonctionnaires, à défaut de nourrir les conversations.

Autre fantôme d’un autre temps, l’Union Européenne, dont les piques répétées à l’égard de la Suisse apparaissent comme le baroud d’honneur d’un torero sénile auquel on aurait livré un veau à la place du taureau. Quant au reste — économie, finances, politique, énergie — c’est chacun pour soi. Si elle avait un soupçon d’existence réelle, le transfert du contribuable Depardieu de Paris à Bruxelles n’aurait pas fait un pli.

Et la Suisse ? Que font nos autorités ? Entre ceux (et celles) qui se planquent et ceux (et celles) qui travaillent ouvertement pour l’étranger, lorsqu’ils ne rêvent pas de navions coûteux pour des guerres imaginaires, le peuple se demande à juste titre qui gouverne ce pays, hormis les conseils d’administration.

Et les Églises alors ? On ne les entend plus que lorsqu’on parle de sexe. Payées pour s’occuper de notre salut, les voici fixées sur le bas-ventre. Serait-ce là que se trouve le siège de l’âme ?

La révélation de 2012, c’est que la plupart des instances qui passaient pour légitimes ne le sont plus. Elles n’ont plus pour elles que les habitudes acquises et la peur qu’elles inspirent. Le monde est déjà en train de se recréer malgré elles, sans elles et contre elles.

Le Nouvelliste, 28 décembre 2012.

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