mardi 15 novembre 2011

Mon dernier bal à Léman Bleu

Je suis déçu ! Me voilà pris dans le lot des chroniqueurs que l’on vire. C’est mon dernier bal, ma dernière virée, et demain dans le journal, eh bien, y aura pas mon portrait. Je monte docilement dans la charrette, comme ceux qui allaient à la guillotine non parce qu’ils avaient combattu la Révolution, mais juste parce qu’ils étaient mal nés.
Quelle fin honteuse ! Moi, qui me voyais au panthéon des Guillon, des Zemmour, des Bigard censurés pour un mot malheureux, et donc illico devenus martyrs de la liberté d’expression, je n’ai même pas reçu un de ces demi-compliments sournois qui tiennent lieu en Suisse d’ultime sommation.
J’ai pourtant vu ici même des gens se donner du nègre et du p’tit blanc, pardon, du mélanoderme et du leucoderme, sans même avoir eu l’occasion d’y mettre mon grain de sel !
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Or regardez autour de nous : il y a quelques jours à peine, Brett Ratner, le réalisateur de Rush Hour, quittait la production des Oscars juste pour avoir dit que les répétitions c’était bon pour les pédales. L’an dernier, c’était Florent Pagny qui se liquéfiait pour s’être plaint de ce que son gosse parlait rebeu. Je ne vous parlerai pas de la carrière brisée de John Galliano pour ses propos stupéfiants (et alcoolisés) sur les juifs. Ni des doutes coûteux de Marion Cotillard sur le 11 septembre. Ni de la vanne antinègre (pardon : mélanophobe) de Jean-Paul Guerlain dont j’ose pourtant encore porter les parfums.
Moi qui ai été recruté pour créer le scandale, voici que je quitte la scène sans la moindre vague. Et eux, sans faire exprès, pour une milliseconde de laisser aller, ils déclenchent des tsunamis ! COMME JE LES ENVIE !
Mais je n’incrimine personne. Le problème est en moi. Le scandale, c’est comme la bandaison selon Brassens : ça ne se commande pas. Les dérapages des gens comme il faut, c’est comme la valve qui pète sur une cocotte-minute bouillonnante de franchise constamment réprimée. Si je n’ai pas réussi à reproduire ce genre d’orgasme, si je n’ai pas su cracher sur ce plateau ce que le 99 % des gens pensent tout bas sans jamais oser le dire, c’est peut-être tout simplement parce que je ne le pense pas…

Léman bleu, 10.11.2011

PS Pour visionner la chronique:
/dès la 12e minute/

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