samedi 28 mai 2011

La seule nouvelle de 2011

Mais où est donc passé Fukushima ? Cette batterie de cocottes-minute en déroute constitue pourtant la séquelle la plus mémorable du tsunami qui frappa le Japon ce dernier mois de mars. Car s’il est un cas de développement durable qui fonctionne, et de manière indiscutable, c’est bien celui de la radioactivité induite par l’homme.

Pour une sordide pingrerie énergétique — la construction en bord d’océan, pour ne pas avoir à pomper trop haut les eaux de refroidissement — les chaudières japonaises sont en train de contaminer à jamais, du moins à vues humaines, des mers nourricières. Pour quelques heures d’incompétence — à Tchernobyl —, toute l’Europe fut irradiée et une province bouclée à perpétuité. Pour un modeste avantage technologique dans l’arsenal d’une armée suréquipée — les obus à l’uranium appauvri des Américains —, des peuples entiers sont empoisonnés par l’air qu’ils respirent et l’eau qu’ils boivent.

Les taux de nouveau-nés monstrueux de cancers dans les populations d’Irak, d’Afghanistan ou du Kosovo sont bien les statistiques les moins diffusées par nos systèmes de surinformation. Mais qui s’en plaindrait ? Ces projectiles constituent un recyclage idéal pour les déchets du nucléaire civil. Chaque année, des tonnes de reliques encombrantes se vaporisent, tout simplement, dans les sols, les chairs et les murs des États dits « voyous ». Les écolos qui se couchent devant les trains de déchets oublient, curieusement, de s’en prendre bases aériennes d’où décollent ces chargements de mort.

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Source: http://bit.ly/3ziYPd

En l’an fatidique 2012, comme en 3012 et 10012, le site de Fukushima, étiré sur un rayon qui touche déjà à la mégalopole de Tokyo, sera donc un lieu maudit. Impropre à la vie humaine. C’est ce qu’il ressort de l’aveu récent et contourné de l’exploitant, TEPCO : « Nous ne pouvons pas nier la possibilité qu’une perforation dans la cuve du réacteur ait induit la fuite de l’eau ». Autrement dit : le réacteur est en fusion totale, il va s’enfoncer sous terre comme une boule de lave, jusqu’à la première nappe phréatique, au contact de laquelle une explosion est hautement probable. Pour éviter cette issue, les Russes ont sacrifié des centaines d’ouvriers chargés de couler une dalle de béton sous le cœur fondu de Tchernobyl. Les Japonais, eux, rassurent, « communiquent » et comptent sur le silence discipliné des grands médias internationaux. Ah oui : ils posent une bâche en polyester sur le toit du réacteur. Un voile de pudeur sur ce gouffre que nous ne saurions voir !


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Fukushima est la seule nouvelle de l’an 2011, comme l’empoisonnement pétrolier du Golfe du Mexique était la seule nouvelle de l’an 2010. Toutes deux ont rapidement disparu des écrans. Nos enfants oublieront les noms de Ben Laden ou de Strauss-Kahn. Ils n’oublieront pas la génération qui aura laissé détruire leur écosystème par sa déférence aveugle au dieu de la consommation.

Le Nouvelliste, 24 mai 2011.

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