jeudi 14 juillet 2005

Jour 3 (lettre à Clo)


Quelle riche journée, mon amie!


Levé à sept heures, j’ai eu le plaisir de voir dégringoler les deux fées et de présenter à Mlle X. ses deux petits cadeaux: ton livre et une petite tortue en argent que j’ai trouvée ici. Ravie!
Pendant ce temps, Mlle I. écrivait dans la cour, au jet d’eau, en caractères visibles d’avion: “Xenia a 8 ans”.
Puis je suis parti faire réparer mon vélo (j’y reviendrai) pendant que les demoiselles entamaient leur programme “parascolaire” avec l’institutrice que nous leur avons trouvée... et qui n’est autre que Goca, la voisine.
Nous sommes convenus d’un cours à sujet varié chaque jour de 10 h à midi, voire plus si affinités...
Cela étant, l’initiation fut à la fois pénible et rigolote, les fées se défilant devant Goca et se moquant d’elle. Mais après mon arrivée les choses sont rentrées dans l’ordre, et elles ont fait des tas de choses en serbe, dans la bonne humeur, et même par écrit.

Cependant, comme je l’ai dit, j’étais allé faire ressouder le cadre de mon vélo chez des connaissances à Ratko.
Comme toutes les choses ici, c’était un poème.
Imagine une route pavée, étroite et poussiéreuse se détachant à angle droit de la grand’route, à Лаћарак, et se perdant dans les maïs et les ornières remplies de boue. Eh bien, au bout de cette route, tu trouveras... un chantier naval! Ni plus ni moins: un atelier de métallurgie très réputé qui fabrique des yachts et qui est justement en train de retaper celui de Горан Бреговић.
L’étrange hangar appartenant à un copain de Ratko, j’ai eu droit aux services du Paganini de la soudure local, un jeune de 20 ans qui, selon les avis de mes consultants permanents, serait capable de souder une prune à un rosier.
Je croyais en avoir pour un quart d’heure: nous avons passé une heure et demie dans cet atelier à suivre le travail du garçon. C’était impressionnant! Comme j’avais déclaré le cadre en acier, il l’a attaqué avec un appareil à souder ordinaire — avant de se rendre compte que ce n’était pas de l’acier. Il a tout poncé, et rattaqué avec de la soudure pour aluminium. Foin! Cela ne tenait pas: mon vélo, sans que je le susse, était fait d’un alliage rarissime et inconnu... Ce qui n’a pas découragé le jeune virtuose. Il a tout poncé une fois de plus, évalué ses outils et accessoires, et pour finir peaufiné une couture à l’argon, à peine plus épaisse qu’une suture chirurgicale! Sans mot dire, avec le sérieux et la concentration du chirurgien. Si le vélo doit recasser, ce ne sera en tout cas pas au même endroit!
Je lui ai filé 20 francs pour l’effort: il était confus, rouge, presque fâché d’une aussi grosse somme.
En repartant, j’ai raconté à tonton Jova et au petit Rale qu’on m’avait recommandé en Suisse de flanquer ma bécane à la casse: la voilà presque neuve. Puis j’ai songé aux tarifs horaires en Suisse... et pire encore: à la difficulté que j’aurais eue, dans tout le pays, à trouver un artisan de ce calibre!

(à suivre)

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