Enterrez-moi ça (Alpiq ou le Valais)!
Après la mise en œuvre de la Loi sur l'aménagement du territoire (LAT) et de la Lex Weber, et peut-être la confiscation prochaine par Berne des retours de concessions sur les barrages, le Valais ressemblera enfin à l'idylle alpine que les bobos de la Suisse urbaine veulent faire de lui. Une vallée heureuse, figée dans son état cadastral de 2012, à la population raréfiée par l'émigration économique, et dont les indigènes restants, rhabillés en coutins, petits chapeaux et velours noir, vivront confortablement des revenus du tourisme.
Confortablement? Pas tout à fait. Pour leur confort, la Confédération a prévu autre chose. Le Tribunal fédéral vient d'autoriser la construction de la ligne à très haute tension aérienne d'Alpiq entre Chamoson et Mörel. Nous allons donc avoir droit, dans la région la plus peuplée du canton, à un étendage de 50 km de long, posé sur des pylônes de 96 m de haut, sur lequel nos lavandières aux bras musclés pourront étendre nos camisoles de chanvre.
Ce sera en effet la seule utilité envisageable sur le plan local du projet mastodonte d'Alpiq, dont la seule fonction est de faciliter le commerce de l'électricité entre la France et l'Italie. Si cette autoroute électrique privée doit passer par le Valais, ce n'est pas pour le bien de ses habitants, mais parce qu'elle ne peut passer ailleurs. Le Conseil d'Etat français — autorité administrative et non politique — a en effet fait barrage à un autre tracé pour la même ligne, via Nice, qui eût défiguré les gorges du Verdon. La Suisse, qui n'a plus rien à refuser aux cartels, a bien voulu leur sacrifier la vallée du Rhône.
Ainsi donc, la même instance qui vient de mettre sous verre le paysage valaisan par une application stricte de la Lex Weber, vient en même temps de permettre sa pollution définitive par un projet privé colossal sans aucun intérêt pour sa population, mais à l'impact insondable sur son tourisme et son bien-être. Ces lignes à haute tension, on le voit dans le Chablais, suffisent seules à altérer le caractère d'un paysage: de naturel, il devient industriel, à perte de vue. Qui viendra se "ressourcer" à l'ombre de cette ferraille?
L'enterrement des lignes, réclamé de longue date par la population et les instances législatives et exécutives valaisannes? Enterré! Certes, le Tribunal fédéral attendait une proposition dans ce sens, mais comme elle n'est pas venue — parce que trop chère — il n'a pas insisté. Le projet "pilote" d'enfouissement promis par l’exploitant n’aura été qu'un leurre pour les gogos. Citoyens, adoptez la même logique: faites traîner votre déclaration fiscale et vous ne paierez plus d'impôts!
Ah, si, un tracé sous terre semble prévu, dans la déserte forêt de Finges. Pour la paix visuelle des écureuils. Le sens esthétique et la santé des humains? On s'en fout! Blague à part: cette décision criminelle, incohérente et méprisante doit au moins avoir une vertu: celle d'unir les Valaisans dans un refus unanime dont leur nouveau gouvernement sera le porte-parole. S'il ne sert pas à nous protéger de tels abus, à quoi sert-il?
Le Nouvelliste, 14 juin 2013.
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