lundi 3 décembre 2012

Caviar!

On n’en parle pas beaucoup, pas du tout, dans nos médias. L’histoire est pourtant savoureuse. Le rapport de la très sérieuse Initiative pour la stabilisation européenne qui la raconte en détail s’intitule «La diplomatie du caviar, ou comment l’Azerbaïdjan a fait taire le Conseil de l’Europe». En deux mots: issu d’un coup d’Etat dans les années 1990, le régime héréditaire des Aliev s’illustre par une dérive autocratique continue. Les dernières élections parlementaires, en 2010, étaient si bien verrouillées que l’opposition n’a pas réussi à décrocher un seul siège!
Mais le dictateur de Bakou a deux atouts de poids: son pétrole et ses esturgeons. Depuis son adhésion au Conseil de l’Europe, il a littéralement gavé de caviar les membres de cette vénérable institution.
Qui le refuserait? Un pot de caviar, c’est pas un pot de vin, hein? Une barquette d’or noir, ça ne se déclare pas. Mille euros de don, si.
Ainsi voit-on les parlementaires européens, jusqu’à la commissaire aux Affaires étrangères Catherine Ashton, louer constamment et sans réserve la démocratie du sultanat de Bakou tout en couvrant d’opprobre des régimes est-européens bien moins voyous.
Comment les institutions de l’UE et les médias ont-ils accueilli cette révélation? Comme d’habitude: par un silence de plomb.
L’habitude, c’est que chaque divulgation de fraude ou de corruption dans les superstructures européennes se retourne obligatoirement… contre les justiciers! On se souvient de cette brave équipe de télévision qui filma des élus qui venaient pointer au Parlement avec leur trolley avant de se barrer chez eux par le train du matin. Le Parlement a-t-il confisqué les indemnités indûment gagnées? Non: il a chassé l’équipe de télévision.
A l’heure où le sud européen affamé campe dans les rues, où la monnaie vacille et où la dette explose, le caviar demeure la pâtée ordinaire de ce pays de Cocagne. Imaginez: des parlementaires élus et surpayés, mais sans aucun pouvoir réel, et des commissaires au pouvoir illimité mais élus par personne. Le rêve de la Nomenklatura soviétique réalisé à l’Ouest! Cerise sur le gâteau, cette construction parasitaire et flasque, inapte à défendre ses propres frontières mais complice des raids néocoloniaux de l’OTAN, vient d’être décorée du Nobel de la paix! Ben voyons! De la paix des cimetières…
Le caviar, on le dégustera sans doute aussi chez M. Blocher le 6 décembre prochain. L’ASIN va célébrer les vingt ans du fameux 6 décembre qui, loin de nous suicider comme l’avait annoncé feu M. Delamuraz entouré d'un chœur de pleureuses, a sauvé la Suisse. A l’heure où les peuples voisins se demandent ce qu’ils fichent dans l’euro-galère, notre classe politique devrait retirer à l’ASIN-UDC le monopole des réjouissances et faire de cette date, désormais plus éloquente que le 1er août, une fête nationale. Or nul n'y songe. Au contraire: d’aucuns continuent de frétiller aux portes de Bruxelles comme des chiens battus aux pieds de leur maître.

Le Nouvelliste, 1er décembre 2012.

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