Quand on a trop de beurre...
Il y aurait pourtant bien d'autres loufoqueries à relever dans les décisions récentes de l'administration helvétique, dont le style, cette saison, est fait de minutie dans l'incongru et de négligence dans l'essentiel.
Entre deux effondrements bancaires et un appel au djihad lancé par un preneur d'otages subméditerranéen, la Suisse vient de compliquer d'un cran la vie de ses automobilistes en les obligeant à se doter d'un siège anatomique pour les enfants jusqu'à... 12 ans.
Ma fille de douze ans a la même taille que sa mère. Qui n'est pas particulièrement petite.
On imagine le rapport de taille entre les grands dadais bourrés de corn flakes et leurs braves souris de mamans qui font le taxi tous les samedis pour leurs basketteurs, ou footballeurs, de fils...
Eh bien, désormais, le dadais sera rehaussé par force de loi, dût-il ployer l'échine comme une girafe sous le toit de la Clio!
On imagine les lobbyistes de quelques industries d'équipement se frotter les mains dans les coulisses du Palais fédéral...
Mais cela n'est encore rien: voici que nous allons décider en référendum, le plus sérieusement du monde, de la nécessité (ou non) d'affecter un avocat aux animaux!
Personnellement, je suis pour. Comme Oskar Freysinger, je proclame: OUI à l'avocat des animaux! Mais seulement si les clients peuvent le choisir eux-mêmes!
Car les systèmes où l'on vous colle sans rien vous demander un avocat d'office, et où l'on ne vous laisse pas vous défendre seul si tel est votre caprice, on les appelle des systèmes totalitaires!
N'allons pas si loin, cependant...
Si, dans ce pays riche et complexe, on se sent tout à coup le besoin de débattre en prétoire sur la méthode la plus "humaine" de mise à mort des brochets, ce n'est pas parce qu'on a soudain pris conscience de la souffrance des animaux. Non. Il faut être Tolstoï, dans cette poignante nouvelle qu'est Kholstomer, pour pouvoir humaniser fondamentalement un cheval et chevaliser l'être humain — son propre être d'écrivain. Et du reste, s'il fallait affecter un bavard à chaque poulet élevé en batterie avec des égards qui ne dépassent guère ceux qu'on aurait pour une culture de bactéries ou un champ de ronces, les facultés de Droit n'y suffiraient plus...
Comment, les poulets de batterie ne comptent pas? Et les cochons d'élevage non plus? Ni les bovins qu'on force à devenir cannibales?
Qu'est-ce qui compte alors? Les bêtes qui ont atteint la dignité de devenir nos compagnons de jeu? Les toutous, matous et quelques poissons de rivière noblement sacrifiés pour nos loisirs? Et puis les cerfs et chevreuils qu'on protège moins pour eux-mêmes que pour emm.... les chasseurs?
Non. Même pas cela. Ce qui compte, c'est la nécessité de procurer une justification existentielle, professionnelle, ontologique aux batteries de juristes et d'administrateurs que vomit un système éducatif hypertrophié. D'où les lois absurdes, les sièges enfants pour dadais de 1 m 80, les défenseurs de bêtes et toute autre forme de juridicisation qui contribue à transformer notre monde encore vivant en une mer morte.
Comme disait feue ma grand-mère, femme peu instruite au vocabulaire cru, mais d'une sagesse profonde et d'une intelligence cristalline: «Ceux qui ont trop de beurre, ils se beurrent même le cul»...
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