jeudi 8 juin 2006

Grande tension nerveuse (lettre à Clo)


Mon amie,

Me voilà dans le tgv, avec mon vrac de bagages où il manque tout de même deux ou trois éléments. Tant pis. J'ai l'envie plutôt de te raconter ce qu'il m'arrive. Je lisais le roman de Simone Chevallier sur la Madeleine, bien émouvant certes, lorsque nous avons traversé le viaduc sur l'Orbe. Entendant mon voisin d'en face louer le paysage, je regarde par la vitre. L'espace d'une seconde, je vois le serpent de la rivière, d'un vert profond et translucide, qui glisse tranquillement parmi des frondaisons inclinées comme des femmes sur un berceau. Aussitôt, des larmes ont jailli comme si l'on m'avait pelé un oignon sous le nez. Cela m'est déjà venu à deux ou trois reprises ces derniers temps. Face au lac et aux montagnes, au-dessus des fées endormies, ou tout simplement en observant les jeux et les efforts touchants du Moustafa.
La chose est claire: j'ai envie de fuir le monde dans lequel je me suis plongé jusqu'au cou. Je rêve la Save lente, les cours de monastères, le bavardage des femmes au marché.
Je ne supporte plus le monde où nous sommes. Où les machines, comme l'a prédit Philip K. Dick, sont en passe de devenir plus vivantes que les hommes.

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