A quoi le "Temps" passe son temps (chap. 2 et fin: la partie grave)
En tant que futur chargé de communication du Conseiller d’État Oskar Freysinger, je suis tenu à la réserve sur les sujets qui concernent ma future fonction.
Mais cette fonction future ne débutera que le 1er septembre à minuit. D’ici là, je profite de ma pleine liberté de parole pour dénoncer une publication discriminatoire à l’encontre de ma personne.
Depuis des semaines, quelques journalistes harcelaient Oskar Freysinger et moi-même à propos d’un sujet sans aucun rapport avec nos préoccupations actuelles, mais clairement lié à une volonté de lui nuire et de me nuire. Nous n’avons évidemment pas donné suite à ces sollicitations.
Suite à l’annonce de notre future collaboration, via un communiqué du DFS valaisan émis hier 26 août à 18 heures, la correspondante valaisanne du « Temps » m’a appelé pour m’interroger sur mes relations passées, actuelles et futures avec mon ami, auteur et mandant Oskar Freysinger. A en juger par ses questions, et surtout le ton sur lequel elles étaient posées, tous les aspects de ces relations étaient suspects et, quelque part, répréhensibles. Mais « quelque part », c’est nulle part, et il n’y avait au fond rien de contestable à ce qu’un ministre engage à son service, par une procédure ordinaire, une personne de confiance qu’il juge utile à son travail. Tous le font, seul Freysinger est questionné. S’il fallait justifier un poste de délégué à la communication, ce seul cas de pression médiatique pourrait servir d’argument.
Or la question y relative — « Comment peut-il engager un collaborateur de plus quand il doit économiser 25 millions sur son budget » — m’avait paru si puérile que j’y avais répondu par une boutade. Laquelle s’est retrouvée dans l’article. Mais là n’est pas le hic.
Le hic — et même le hoquet, à l’autre bout du fil — est apparu lorsque, interrogé sur mes propos prétendument « négationnistes » à propos de Srebrenica, j’ai fait remarquer à la journaliste du « Temps » que ces propos, qu’un quotidien alémanique a déterrés voici quelques semaines, étaient tirés de son propre journal ! L’argument-clef de l’Arbeitsverbot intenté par des journalistes désireux de téléguider les choix d’un ministre élu tenait, en réalité, dans quelques questions logiques que j’avais posées dans une tribune du « Temps » du 1er juin 2011 — et dont je n’ai plus entendu parler autrement qu’en bien, puisqu’elle fut traduite dans au moins quatre langues. « La Boîte de Pandore du conflit bosniaque » énumérait certaines questions que le tribunal de La Haye devrait forcément se poser lors du procès du général serbe Ratko Mladić. Un procès, soit dit en passant, qui péclote et dont les médias ne parlent guère, alors qu’il est censé sanctionner, justement, le responsable du « plus grand massacre depuis la IIe guerre mondiale » (si l’on excepte ceux commis par les Américains, qui sont hors compétition).
Ainsi donc, si j’étais vraiment un « négationniste » (« Genozid-Leugner ») comme m’en accusait un article idiot du « Tages Anzeiger », c’était « Le Temps » qui avait servi de canal à mon négationnisme. Le délateur du « Tagi », sans doute conscient du problème, avait omis de citer sa source. Sa collègue du « Temps », elle, n’avait pas fait l’effort de la retrouver. Elle avait probablement retraduit de l’allemand des citations tronquées. Voilà tout le soin qu’elle a mis à esquisser mon portrait.
Mais c’était bien suffisant au vu du but visé. Le but de son appel, et de son article, n’était pas d’informer sur l’interlocuteur, mais de le faire « trébucher » (le verbe apparaît au dernier paragraphe). Comme si l’information, au « Temps », relevait d’un art martial. Mais comme la peau de banane, somme toute, était plutôt inoffensive, on a rajouté une couche dans le chapeau même de l’article : « L’éditeur serbe sera le chargé de communication » de qui vous savez. Serbe. Srebrenica. Massacre. Pavlov. Arbeitsverbot !
Hélas, madame Parvex, hélas, chers humanistes ouverts et tolérants du « Temps », il se trouve que je suis suisse. La dernière fois qu’on m’a contesté cette appartenance, c’était au recrutement, où un colonel particulièrement obtus (un facho dans le vocabulaire de gauche), était sorti de ses gonds parce que je lui répondais et m’avait recommandé de « rentrer dans mon pays ». « Justement: mon pays, c’est ici ; et la preuve, c’est que je me trouve devant vous », fut ma dernière réplique avant l’envoi dans une caserne alpine redoutée où j’allais avoir un grave accident. Elle m’a coûté cher, mais elle m’a ancré dans cette identité qui est aujourd’hui la mienne. Mon livre le plus lu, Valais mystique, un succès populaire et critique dont Mme Parvex s’est bien gardée de me créditer, était même tout entier motivé par le besoin de « payer ma dette à cette patrie d’accueil ».
Il y a dans cette rage idéologique quelque chose d’aveugle, de forcené et de profondément inique. Imagine-t-on un journal suisse traiter d’« arabe » l’hypothétique conseiller d’origine maghrébine d’un ministre socialiste ? Pourquoi fallait-il relever mon origine — erronée du reste, puisque l’État où je suis né s’appelait Yougoslavie et que je suis à moitié croate par le sang (détails que Mme Parvex dans sa fièvre n’a pas eu le temps de méditer) ? Pourquoi, justement, faut-il faire mention des liens de sang dans l’entourage d’un Freysinger alors qu’on se l’interdit dans tous les autres cas ? Parce que dans les années 1990, en tant que Suisse, j’ai été un empêcheur d’affabuler en rond sur le conflit qui avait détruit mon pays natal ? Ou parce que tous les moyens sont bons pour compromettre le conseiller d’État, l’isoler professionnellement et entraver son action ?
Ils utilisent un organe d’information comme une arme de combat et se désolent ensuite de sa perte d’influence. De quoi, en fin de compte, ces gens ont-ils tellement peur ?
Je ne suis pas encore chargé de communication du Conseiller d’État Freysinger et mes partis pris, pour le moment, ne concernent que moi. Mais il sera difficile, pour le naturalisé que je suis, d’entretenir la communication avec un journal qui pratique dans ce pays la discrimination ethnique.
Slobodan Despot, le 27 août 2013.
Sources:
L'article du « Temps » de ce jour.
Ma tribune sur le général Mladić dans le "Temps" du 1er juin 2011.
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