jeudi 4 mai 2006

Une journée d'Ivan Denissovitch au Salon de Turin


Avant même d’avoir publié notre premier livre, j’avais été invité au Salon de Turin.
Les Italiens se mettent en peine pour leur salon international. Nous voici au “Crystal Palace”, un quatre étoiles hi-tec méritant bien son nom. Clefs électroniques, écrans plats, tableau de commande dans la chambre réglant la climatisation, l’éclairage, etc.
(Trait mesquin : l’accès Wi-Fi, aussi indispensable dans cet environnement que la prise rasoir, est payant !)
Du matin au soir, les éditeurs invités siègent dans une salle de classe, chacun derrière sa mini-table carrée, avec un panneau portant le nom de sa boîte et son origine. Les aimables et dévouées jeunes femmes de l’organisation leur ont organisé un agenda de rendez-vous selon des listes de préférences cochées sur le site internet de la foire. Et les agents et éditeurs s’entrecroisent dans cette ruche, à coups de quinze minutes par entrevue, essayant à toute force de se refiler des contrats…
Étrange casernification d’un métier buissonnier par excellence.
Ayant omis de suivre les recommandations et de cocher les RV souhaitables, je suis arrivé les mains dans les poches. Pour découvrir, un peu tard, qu’on m’avait collé des entrevues sans me consulter — mais non sans m’en informer par des e-mails que je n’ai pas lus.
Les contacts, néanmoins, sont intéressants et peut-être fructueux. Fabrizio Florian, d’Anankè, Turin, maison spécialisée en égyptologie, archéologie, philosophie. Quelques curiosa d’érudition légère à glaner. Intéressé par Werner et Djihad.
Maria Leonardi, de Nottetempo, jeune maison de la fille Einaudi. Catalogue à tendance philo & litt. contemporaine, élégant quoique téléphoné dans la section philo (Derrida & co.). Et une collection intéressante entre littérature et témoignage, correspondant à notre Coing. A emporté Djihad, Sex Shop Blues, très intéressée par Kapor.
Dans la cohue de la classe, la haute stature dégingandée de Pierre-Guillaume de Roux. Étrangement, il s’enquiert de la parution du Werner…

Demain, on verra Minimum Fax et Nonsoloparole Edizioni. Les Italiens sont entreprenants. A Turin, l’État a investi pour une fois dans la culture. Mais l’effort justement cache le désarroi. Comme dit Zoran Hamovic, de Clio, qui est dans la même galère : “les derniers soubresauts du livre”. Vrai : ils en font trop. Jusqu’à subventionner des soirées “Book & Dance” dans des boîtes techno aux Murazzi, sur le Pô. (Y suis descendu vers minuit, 40 min. aller-retour à pied. Vu le Dance, mais guère le Book…)

Mais l’essentiel est ailleurs. Ou plutôt non : il est là, sous notre nez. Le Crystal, aux abords de la gare, est cerné à toute heure par une population interlope et mal rasée. Vendeurs de petits pains, de verroterie, kiosquiers, trafiquants en survêt’, glandeurs. L’islam domine. Ma porte-fenêtre à double vitrage insonorise admirablement la chambre. Si je l’ouvre en fin d’après-midi, j’entends aussitôt monter les bruits de la rue : des accents gutturaux appartenant à la langue arabe ! Si je sors sur mon petit balcon, je vois en contrebas, à vingt mètres, les fenêtres grandes ouvertes d’une mosquée d’appartement. Des hommes en blanc, calotte blanche, s’y ploient jusque par terre. Mais tout cela s’arrête exactement à deux mètres de l’entrée de mon ****. On flaire, on marque son territoire, on observe. La distance entre nos deux univers, l’oumma enveloppante et la technosociété surcontrôlée du “Nous autres” de Zamiatine, n’a plus que l’épaisseur d’un vitrage isolant.

***

C’est dans ce cadre que je relis les pages d’Eric Werner consacrées à l’islam. « La tribu, encore » ! Et comme tout apparaît clair : oui, le Pouvoir, le Grand Inquisiteur, a déjà résolu, et peut-être de longue date, de céder la rue à l’islam. Tellement plus malléable qu’une population chrétienne, où le plus humble risque de se croire une personne irremplaçable et pourvue de droits ! Tant qu’il disposera de quelques atouts (technique, carburant, infrastructures ?), le G. I. ne sera pas inquiété par ce magma. Mais le calcul est mauvais. Et l’osmose ?

Le soir, la ville est quadrillée par des bandes de jeunes musulmans oisifs et goguenards. La population indigène est déjà soumise. Les jeunes les singent, les adultes passent rapidement, par deux.

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De toutes les femmes rencontrées, les françaises sont celles qui ont le plus de mal à s’humaniser.


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